Selon l’article 221-1 CP, « le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre ». Cette définition montre que deux éléments sont nécessaires. L’élément matériel, qui est de donner la mort à autrui, et l’élément intentionnel, qui est de le faire « volontairement ».

L’Elément Matériel

Il doit être dédoublé, puisqu’il faut une victime et un acte homicide.

- La Victime

Cette victime doit présenter plusieurs caractéristiques, mais peu importe que son identité soit connue ou non, et peu importe qu’elle ait été ou pas, retrouvée. Il suffit de prouver qu’il y a une victime et que cette victime était vivante au moment du geste homicide.

- Elle doit être préexistante. Cela signifie qu’elle doit être vivante au moment des faits.
Le 9 avril 1946, un individu qui avait tiré sur une personne déjà tuée par un tiers, un instant auparavant, est renvoyé devant la Chambre d’Accusation pour meurtre. Il s’agit de « l’hypothèses où l’action des accusés avait été quasi simultanée, même s’il était possible de déterminer que le premier acteur avait été l’auteur de la mort ».

Mais le 16 janvier 1986, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a jugé que pouvait être condamné pour tentative de meurtre celui qui, la croyant vivante, avait étranglé une personne déjà morte. (voir les osbservations de M.Levasseur, professeur à l’université de Paris II)
Selon les ouvrages, cette décision de 1986 est quelque fois présentée comme montrant qu’il n’est pas nécessaire que la vivante soit préexistante, mais les juges ne condamnent la personne non pas pour meurtre, mais pour tentative de meurtre, ce qui montre bien que la victime doit être vivante, préexistante. C’est la notion de tentative qui est utilisé lorsque l’infraction est impossible à réaliser et que l’auteur a matériellement fait ce qu’il fallait pour réaliser l’infraction et avait l’intention de le faire.

- L’âge de la victime n’a plus d’importance. Dans l’ancien code pénal, le meurtre d’un nouveau né constitué une infraction particulière qui était l’infanticide. Cette infraction particulière a disparu du Code Pénal actuel, mais il prévoit une circonstance aggravante si la victime est un mineur de 15 ans.

L’exigence d’une personne vivante pour qu’il y ait meurtre, soulève deux types de difficultés.
- > A partir de quand s’agit-il de personne vivante ?
- > Jusqu’à quand peut-on dire qu’il y a personne vivante?
Pour éviter certains problèmes, notamment des transplantations, un décret du 2 décembre 1996, donne une définition légale de la mort. On admet qu’une personne est morte lorsqu’il n’y a plus d’activité cérébrale.

De nombreux problèmes subsistent en ce qui concerne le début de la personne. Une jurisprudence intéressante est intervenue dans ce domaine en ce qui concerne les homicides involontaires. Lorsqu’il y a homicide involontaire d’un fœtus, on utilise l’incrimination d’avortement. En effet, si la victime n’existe pas encore, il ne peut y avoir homicide, même involontaire, car la victime est supposée avoir la personnalité juridique, qui n’est toujours pas accordée au fœtus in utero. (Voir l’analyse intéressante à ce sujet : "Le tiers qui, par sa faute, a causé la mort d'un enfant in utero peut-il être condamné au titre du délit d'homicide involontaire ?")

Le meurtre de soi même n’est pas punissable en droit français. La victime doit être autre que soit même. Dans l’ancien droit celui qui s’était suicidé était puni, d’une part ses biens étaient confisqués, d’autre part, il n’était pas enterré dans un cimetière et enfin, on le punissait en lui faisant faire le tour du village attaché à un cheval qui le traînait face contre terre. Le législateur s’est rendu compte que cela punissait plus la famille du suicidé que le suicidé lui-même.
Dans certains pays étrangers, la tentative de suicide est punissable. En France, ni le suicide, ni la tentative de suicide, ni même la complicité ne sont punis. En revanche, le législateur est intervenu pour réprimer la provocation au suicide, lorsqu’elle est suivie d’un suicide ou d’une tentative de suicide.

- Un acte d'homicide

Il doit s’agir d’un acte positif et d’un acte matériel.

- Un acte positif est nécessaire tout simplement parce que le meurtre est une infraction de commission : c’est le fait de donner la mort. On s’est demandé si une simple omission ayant entraîné la mort pouvait être incriminé en tant que meurtre ( commission par omission). La question est résolue depuis une affaire célèbre en matière de violence volontaire. Dans un arrêt du 20 novembre 1901, les magistrats de la Cour d’Appel de Poitiers ont considéré que l’omission ne pouvait pas permettre de caractériser une infraction de commission, dès lors, pour qu’une omission ayant entraînée la mort soit punissable, elle doit être érigée en élément constitutif de l’infraction qui ne sera pas un meurtre. C’est le cas par exemple la non assistance à personne en danger.

- Il faut un acte matériel : cet acte doit soit avoir entraîné la mort, soit être de nature à entraîner la mort. Peu importe la nature de l’acte, (si on fait exception de l’administration de poison, qui donne lieu à une incrimination spéciale), tous les moyens matériels peuvent être utilisés pour commettre un meurtre : ce que peut être les coups portés à main nue ou avec un objet, pousser quelqu’un dans le vide, tirer sur quelqu’un, lui donner un coup de couteau.

Peu importe qu’il y ait un ou plusieurs actes matériels (cela peut sembler étonnant dans la mesure où le meurtre est une infraction instantanée, mais il suffit de prouver que le dernier coup a entraîné la mort.

La jurisprudence a admis qu’un meurtre pouvait être commis sur plusieurs jours en différents lieux (Ch. Crim 13 mai 1965, bull N°139 ; Ch. Crim 9 juin 1977, bull n°211…)

Lorsqu’il y a coup unique et que la mort ne survient pas immédiatement, il se pose la question de la relation de causalité entre les deux. Dans l’ancien droit, passé un délai de 40 jours entre le délai et la mort, la mort n’était plus imputable à l’auteur du coup. Ce délai a disparu, il appartient maintenant au juge d’apprécier si la mort est due ou non à des coups. On retrouve la notion de lien de causalité, qui ne pose pas trop de problème en matière de meurtre, parce que tout repose sur l’intention : si l’on n’arrive pas à prouver le lien de causalité entre le meurtre et l’acte, a partir du moment ou il y avait une intention de causer la mort, ce lien devient secondaire.

Exiger un acte matériel implique qu’une condamnation pour meurtre sera impossible en l’absence de celui-ci : par exemple, en cas de tortures morales ou sortilèges et maléfices.

L’Elément Intentionnel


L’article 221-1 CP parle d’élément intentionnel, cela signifie qu’un élément intentionnel particulier est nécessaire. Pourtant, le texte ne donne aucunes précisions supplémentaires, de telle sorte qu’il a fallu precider la nature et la preuve de cet élément intentionnel.

- La Nature de l’Elément Intentionnel

Il faut dol général et un dol spécial : il s’agit pour le dol général, du fait d’agir en sachant que cela est interdit. Le dol spécial consiste en l’intention de donner la mort à autrui. Généralement on parle d’animus necandi. Cela implique que lorsqu’on agit, on doit avoir conscience des conséquences de l’acte. En l’absence de cet élément intentionnel, la qualification va changer et on peut se trouver soit en présence d’un homicide involontaire, inintentionnel, soit en présence de coups et violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, article 222-7 CP : c’est l’homicide praeter intentionnel.

- La Preuve de l’Elément Intentionnel

Prouver l’intention est particulièrement difficile. La preuve de l’animus necandi doit normalement être établie par le ministère public. Les aveux sont rares et ils ne prouvent pas nécessairement la volonté de tuer. C’est ainsi que les magistrats vont devoir le plus souvent se contenter de déduire l’intention des circonstances ayant entrainées l’acte. Par exemple, l’intention de tuer est présumée lorsque l’agent a utilisé une arme dangereuse ou encore lorsqu’il a visé ou frappé une partie vitale du corps (arme dangereuse : couteau, pistolet, fusil… ; parties vitales : cœur, tête, thorax…).

Les juges ont tendance à assimiler l’intention de tuer et la conscience que les coups pouvaient donner la mort. C’est une assimilation que l’on retrouve souvent (Ch. Crim du 20 octobre 1955 ; Ch. Crim 2 avril 1979 ; ou encore, l’arret de la chambre criminelle du 2 octobre 1996 qui conclut que « tirer sur quelqu’un avec une arme à feu constitue une présomption sérieuse d’un fait criminel susceptible d’entrer dans les prévisions de l’article 221-1 CP ». Dans le même sens la écision du 8 janvier 1993, dit que « frapper quelqu’un sur sa tête avec un marteau implique l’intention de tuer ».

Dans la plupart des décisions, il est relevé que l’auteur qui usait d’une arme dangereuse ou visait une partie vitale, « pensait, prévoyait et acceptait nécessairement que la mort pouvait ou devait survenir » ou « Est animé d’une intention homicide celui qui aurait dû penser ou prévoir que les coups pouvaient être mortels ».

On constate que les magistrats assimilent l’intention de tuer, lorsque l’individu qui a agit aurait dû penser que les coups pouvaient entrainer la mort.

Il y a quelques rares décisions divergentes, notamment lors d’un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 8 janvier 1991. En l’espece, il s’agissait de deux groupes de jeunes qui faisaient une sorte de course dans les rues de Lourdes. Le conducteur de l’une des voitures est insulté, et sort un cran d’arrêt et frappe le passager de l’autre voiture. La blessure ne lui entraine qu’une ITT de 3 mois mais il meurt après une panne du réanimateur. L’auteur des coups est retrouvé et poursuivi. Le problème était de savoir ce que l’on pouvait retenir comme incrimination : homicide, homicide praeter intentionnel, homicide inintentionnel ou coup volontaire ayant entrainé une ITT de 3 mois ?

La cour d’assise de Pau considère qu’on ne peut pas retenir la notion d’homicide car « le crime d’homicide volontaire implique que celui qui l’a commis ait eu l’intention de donner la mort ». Un pourvoi en cassation est alors formé. La Cour de Cassation aurait dû casser la décision en présumant la volonté de tuer de l’utilisation d’une arme dangereuse sur une partie vitale du corps. Mais les magistrats relèvent simplement l’absence de lien de causalité entre les coups et la mort. Finalement, ce sont les violences volontaires ayant entrainé l’ITT de 3 mois qui ont été retenues.

L’intention requise est l’intention de tuer a ne pas confondre avec le mobile (la raison de l’homicide) : le mobile est indifférent, c'est-à-dire, qu’il importe peu que l’auteur ait agit par vengeance, cupidité, jalousie ou fanatisme.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de mobile alors que l’on en tient pas compte, sauf dans les cas de pitié. Est-ce que l’on doit condamner pour meurtre celui qui par pitié donne la mort pour mettre fin aux souffrances d’une personne atteinte d’une maladie incurable ou particulièrement indiqué ou à la demande même de la personne ?

On dit que le consentement de la victime, notamment lors de l’euthanasie est sans influence et laisse subsister le caractère de meurtre, mais on constate que les magistrats se laissent influencer par le mobile. Il n’y a pas de poursuites, soit s’il y en a, il n’y a parfois pas de condamnation car les magistrats considèrent qu’il y a eu une absence d’intention, soit ils condamnent, mais pour le principe. On a tendance à faire une distinction entre ce qui est qualifié d’euthanasie active, qui est le fait d’ injecter un produit létale (qui devrait juridiquement être un meurtre), et l’euthanasie passive, qui consiste à abandonner les soins, à faire cesser l’acharnement thérapeutique (là, comme il n’y a pas véritablement d’acte matériel positif, il n’y a pas de meurtre, mais défaut d’assistance à personne en danger). La Cour de Cassation considère que l’assistance reste due, même si la survenance de la mort est certaine.

Mais la loi permet aux médecins de ne pas s’acharner au point de vue thérapeutique.

Se pose également le problème de l’erreur. En principe, elle exclue l’homicide volontaire, pour ne laisser subsister que l’homicide involontaire, si une faute d’imprudence a été commise par l’auteur.

Ex : le chasseur qui au court d’une partie chasse, tire tire sur un autre chasseur en le prenant pour un gibier d’un autre chasseur, il y a erreur, mais aussi imprudence.
Il est des cas dans lesquels l’erreur va rester indifférente :

- lorsqu’il y a erreur sur la personne. L’auteur voulait tuer X, mais tue Y, en croyant que c’était X. Dans ce cas là, il y aura meurtre et non homicide par imprudence. Citons par exemple, l’arrêt du 4 janvier 1978. En l’espèce, un individu en procès avec son employeur, lui envoie un colis piégé. En l’absence de celui-ci, c’est un membre le la famille qui le réceptionne et ouvre le paquet qui explose : personne n’est tué, mais il y a plusieurs blessées. La Cour de Cassation a retenu une tentative d’assassinat à l’égard des personnes effectivement atteintes. A la suite de cet arrêt, plusieurs auteurs ont critiqué la position de la cour, en considérant qu’il aurait fallu retenir une tentative d’assassinat envers l’employeur et des blessures involontaires envers les personnes qui avaient été effectivement blessées.

- Lorsqu’il y a erreur matérielle. L’auteur veut tuer X, il le vise, mais il est tellement maladroit qu’il rate X et tue Y qui est à coté. La jurisprudence ici retient le meurtre sur Y et la tentative de meurtre sur X.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un problème d’erreur véritablement, le fait de jeter une bombe dans une foule constitue un assassinat pour les personnes tuées, et une tentative d’assassinat pour celles qui ont été bléssées ou qui n’ont pas été touchées : peu importe l’indétermination de la victime, la volonté de l’auteur est de tuer.

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