Le Choix de la Peine par le Juge

La peine désigne la sanction prononcée à l’encontre d’un condamné par un tribunal répressif. « Les peines sont moins faites pour punir les crimes que pour les prévenir », la difficile tache du juge consiste donc à choisir la meilleure sanction, celle qui sera à la fois la plus juste et la plus utile.

« Les peines sont arbitraires en ce royaume ». Sous l’ancien régime, le juge disposait d'une grande liberté pour fixer les peines, que se soit un aggravant ou un adoucissant les peines légales mais aussi en ayant recours à des peines extraordinaires. On appelait la justice, « le gouvernement des juges ». A cette époque on reprochait a ces derniers leurs « arbitraire », c'est-à-dire le fait que leurs décisions soient le résultat d'une interprétation personnelle des textes au mépris de la loi et ceci dans un but politique.

La légalité des délits et des peines est alors réclamée par un certain nombre d'écrivains/philosophes : Montesquieu, Voltaire... Mais l'auteur dont l'œuvre va avoir le plus d'influence sur la formation d'une nouvelle justice pénale est un avocat italien : Cesare Beccaria, qui en 1764 publie le traité " des délits et des peines ". Beccaria propose des principes nouveaux sur lesquels bâtir un nouveau droit pénal. Il pose le principe qu’il ne peut y avoir de peines sans loi. Ce n'est plus le juge qui décide des peines à appliquer. Ainsi le choix de la peine est placé sous le contrôle de la loi et n'est plus laissé au bon vouloir du juge. Le principe de légalité va également mettre fin aux inégalités.

Aujourd’hui, ce principe est énoncé dans l’art 111-2 du Code pénal : « La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants. »

Il est donc intéressant de déterminer le processus par lequel, le juge choisit la peine d’une personne condamnée au regard de la loi et de son interprétation souveraine.
Avant de pouvoir répondre a cette question, il est d’ores et déjà nécessaire d’identifier l’éventail de peines qui s’offre au juge

Notre législation pénale utilise plusieurs dizaines de peines différentes (art 131-2 et 131-3 CP), dont les principales peuvent être classées selon plusieurs critères : On peut tout d’abord distinguer les peines en fonction du type d’infraction qu’elles sanctionnent : les peines contraventionnelles, délictuelles ou criminelles. On peut également différencier les peines dites principales (essentiellement la privation de liberté et l’amende) les peines alternatives (comme le travail d’intérêt général, qui peut être prononcé à la place de l’emprisonnement…art 131-6 à 131-8 CP), et des peines complémentaires ou accessoires qui viennent s’ajouter à la sanction principale (souvent des peines de privation ou d’interdiction, par exemple la suspension du permis de conduire). Le choix de la peine consiste également dans le choix de ne pas sanctionner : « Celui qui a le pouvoir de condamner a nécessairement le pouvoir d’absoudre ».
Il s’agit maintenant de rechercher si le choix de la peine par le juge est limité par la loi, et dans quelle mesure il dispose d’un pouvoir d’interprétation
Le juge lié par les limites de la loi

Aujourd’hui, le juge est lié quant au choix de sa peine par le principe de légalité et par la nécessité de motiver sa décision selon la peine prononcée.

Le Principe de la Légalité des Peines

- Le juge doit rendre la justice conformément à la règle de droit
-Art 8 ddch/ Article 4 de l'ancien Code pénal/ Article 111-3 du Code de 1993/Art 111-2 du NCP/ Egalement présent dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la Constitution du 4 octobre 1958 qui y renvoie.
- Le principe de la légalité des délits et des peines est la garantie fondamentale des droits de la personne et des libertés individuelles devant les juridictions répressives -> rempart à l'arbitraire
- Il s'énonce par l'adage "nullum crimen, nulla poena sine lege" : il n'y a pas de crime, il n'y a pas de peine sans une loi qui les prévoie.
- Seul le législateur dispose du pouvoir de déterminer les peines qui s’attachent aux incriminations. Le juge n’a de pouvoir qu’à l’intérieur des maximums autorisés par la loi.
- Déclin du principe ? Certaines circonstances aggravantes obligent le juge à prononcer une peine supérieure au maximum normalement applicable (en cas de circonstances aggravantes : pasde liberté du juge).
Les Techniques Individualisatrices de la Peine

-Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation en vertu du principe d'individualisation de la sanction, posé par l'article 132-24 du code pénal.
- Elles sont nombreuses et permettent de moduler, en toute liberté, l’importance et les aspects des sanctions qu’il prononce en fonction des circonstances de fait et la personnalité de l’individu.
- Ce principe n’est pas absolu
- Question de la constitutionnalité des peines plancher au regard du principe d’individualisation : automaticité systématique des peines en cas de recidive : dérogation au principe de la peine plancher afin de respecter le principe d’individualisation des peines -> le Conseil constitutionnel écarte les arguments de ceux des parlementaires qui reprochent à la loi d’être contraire au principe d’individualisation
- En cas de récidive, le principe d’individualisation de la peine est soumis à "une décision spécialement motivée".
L’appréciation souveraine du juge

- « la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ( art 132-24). Mais la cour de cassation a jugé de longue date que les juges du fond dispose d’une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte ( ccass 3/11/55).

La Liberté quant au Choix de la Peine

- Un large pouvoir d’interprétation est reconnu au juge dans le choix de la peine : acteur essentiel dans le processus de détermination de la sanction. Très grande liberté pour déterminer, dans leur nature, leur durée et leurs modalités, les sanctions pénales qu’ils prononcent.
-L’importance accrue par le ncp de 94, qui, en abolissant les minima et les maxima, laisse au juge une liberté d’appréciation quant au choix de la peine -> seulement peine maximale pour chaque infraction. Le juge détermine donc la peine applicable dans la limite de ce plafond -> véritable pouvoir discrétionnaire, laissé au seul arbitraire du juge, qui est libre de son choix sans avoir à en justifier.
-> Entière faculté qui leur est laissée pour choisir entre l’emprisonnement et l’amende ou de les prononcer tous deux, quand ceux-ci sont cumulativement prévus par la loi, tout comme pour fixer la gravité de la peine choisie, aux assises, dans la fourchette offerte par le code.
- question de la violation de l’égalité en fonction du juge, ou du tribunal saisi. Tel juge a sa perception personnelle, tel tribunal est plus sévère par rapport à tel autre. Cette inégalité de traitement est tolérée par le législateur : absence d’autre solution et élément de dissuasion
- La Conférence des premiers présidents de CA: "toute limitation du pouvoir d’appréciation du juge crée un risque d’inadéquation de la décision judiciaire sans pour autant garantir une meilleure efficacité de la politique pénale".
La Motivation de la Décision sur la Peine

L’art 195 du CIJ : le jugement devait indiquer les raisons du choix que le juge fait de telles peines ou mesures parmi celle que la loi lui permet de prononcer.
- Auj : appréciation souveraine des juges du fait, qui ne sont pas tenus de motiver leur décision à cet égard » (ccass 23/12/55). Aucune disposition légale n'impose au juge de motiver le choix d’une peine autre que l'emprisonnement sans sursis( ccass 16/12/97).
- La détermination de la peine par les juges, dans les limites fixées par la loi, relève d'une faculté dont ils ne doivent aucun compte et à laquelle l'art. 132-24 C. pén. n'a apporté aucune restriction. (07/10/97)
- En d’autres termes, les juges n’ont pas à motiver leur décision sur la peine et la cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur leur prononcé, dès lors que la peine est légalement possible.
- Ccass : c’est par l’exercice d’une faculté discrétionnaire que les juges du fond accordent ou refusent le bénéfice de telle ou telle mesure prévues par la loi pénale, et qu’une motivation n’est indispensable que si elle est exigée spécialement par la loi
-> limite : obligation de la loi (ex art 139-19)

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