Le suivi des délinquants sexuels et les dysfonctionnements présumés de la chaîne médico-judiciaire étaient au coeur des débats mercredi lors du procès de Francis Evrard, ce pédophile récidiviste jugé par la cour d'assises du Nord pour l'enlèvement, la séquestration et le viol du petit Enis en août 2007.
Valérie de Saint-Félix, juge d'application des peines au tribunal de Rouen, a notamment eu beaucoup de difficultés à expliquer comment le dossier d'Evrard a pu rester un mois sur son bureau sans que personne ne s'en préoccupe, laissant l'ancien détenu sans aucun suivi judiciaire après sa sortie de prison de Caen le 2 juillet 2007.
"J'étais en vacances du 16 juillet au 13 août 2007", s'est-elle justifiée, disant avoir pris connaissance du dossier le 16 août, au lendemain du drame à Roubaix. Selon elle, ce dossier arrivé le 13 juillet au tribunal de Rouen "ne faisait pas l'objet d'un signalement particulier". Mais elle a reconnu qu'il "n'a pas eu un parcours normal". "Il y a eu une carence de service donc", résume l'avocat général Luc Frémiot.
Un système de permanence avait pourtant été mis en place pour pallier l'absence de la magistrate. Pourtant, personne ne s'est préoccupé du dossier Evrard et Valérie de Saint-Félix n'a pas eu de réponse pour expliquer ce dysfonctionnement.
Faute de saisine de la part du JAP, le service pénitentiaire d'insertion et de probation de Rouen n'a pu mettre en place le suivi d'Evrard, qui devait voir le juge le 24 août. Frédérique Clément, conseillère d'insertion et de probation, qui avait reçu l'ancien détenu le 10 juillet, avait le jour même contacté le greffe du tribunal de Rouen pour obtenir le dossier. "Il ne l'avait pas. Je devais attendre que le juge le reçoive avant de lui notifier ses obligations", a-t-elle témoigné.
Faute de dossier, la conseillère n'a alors abordé que des questions purement matérielles. "Je n'ai pas voulu entrer dans les détails car je n'avais pas d'expertises, je n'avais pas le dossier. Si on l'avait eu, j'aurais pu mettre en place son suivi", selon elle.
De son côté, Francis Evrard n'a pas cru bon d'aller au-devant des obligations du juge en contactant un psychiatre. "On ne m'avait pas précisé que c'était à moi de le faire. On m'a dit que je devais voir le juge d'application des peines avant de faire quoi que ce soit", a-t-il dit.
L'expert psychiatre Jean-Pierre Choquet a jugé que le pédophile "n'a pas été très désireux au niveau des soins". Pour lui, "le problème des pervers, c'est qu'ils ne veulent pas évoluer. Tant qu'ils ne veulent pas évoluer, il ne faut pas se faire d'illusions".
Les dysfonctionnements évoqués dans la matinée ont eu l'heur d'irriter le père d'Enis, Mustafa K. "Ce que je ne comprends pas, c'est que, malgré tous les rapports que les experts ont fait en disant qu'il allait récidiver à 150, 200%, (...) là ils l'ont jeté dehors (en disant): 'Ben vas-y, sers-toi. Le monde est grand, t'as le choix".
Le procès se poursuivait dans l'après-midi avec l'audition du médecin normand qui avait prescrit du Viagra en juin 2007 à Francis Evrard, encore détenu à Caen. Le praticien a expliqué qu'il n'avait pas connaissance du dossier pénal du patient.
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