Compte-rendu d'Hélène Lecomte, publié sur LCI.fr, le 06/05/08
Quand sa mère est arrêtée, M., le fils aîné de Monique Olivier, a 24 ans, un peu d'argent en poche et son premier réflexe, c'est de prendre un billet de train. Aller-retour jusque chez les Fourniret, plus de 1000 kilomètres, une seule idée en tête, récupérer leur fils, S., son demi-frère, le sortir de là et l'emmener très loin, jusque chez son père à lui : le premier compagnon de Monique Olivier. André Michaux est surpris d'abord, puis il accueille comme une évidence l'arrivée de ce jeune homme, l'enfant du couple qui aurait conclu un pacte sur sa tête, tenté, il en est sûr, à plusieurs reprises de lui faire la peau. "Il est arrivé, je l'ai protégé, j'ai fait comme si c'était le mien" explique André Michaux.
"Il fallait l'aider contre ses éventuels débordements"
Comme si c'était le sien, il s'en est occupé, comme de ses deux garçons quand Monique Olivier s'en va. "C'était pas mon rôle (de les prendre en charge, ndlr), j'aurais bien aimé lui laisser les enfants". Mais quand le juge donne la garde à leur mère, "à ce moment-là on ne l'a plus revu". Celui qui fut la cible des Fourniret élève donc seul les deux garçons, même quand il tire le diable par la queue, puis avec son aîné il en recueille un troisième. Ils font abstraction de son passé, de tout ce qu'il a vécu, tentent de lui sortir la tête de l'eau. Et aujourd'hui S. est indépendant, il travaille, il a même un CDI. Sa mère se souvient peut-être qu'elle aussi, rejetée par son frère, a été accueillie par celui de Michel Fourniret. Quand il part en prison, elle frappe à sa porte, son fils sous le bras, les créanciers sur le dos. "On a donc répondu présent et comme il y avait un enfant et quelque chose que l'on devinait dangereux du côté de Michel, il fallait l'aider contre ses éventuels débordements".
Une histoire qui se répète. En 1984 déjà, autre femme, autre époque mais même moeurs pour Michel Fourniret. Sa seconde épouse, Nicole, est elle aussi criblée de dettes avec un mari incarcéré, poursuivi pour des agressions sexuelles. Nicole, témoin elle aussi au procès, et qui dort chez André, le grand frère, avant de venir déposer. Solidaire, cet aîné l'est aussi avec les familles de victimes. André admet sincèrement qu'il préfère être à sa place, malgré les soucis, plutôt qu'à la leur. Il se tourne vers ce banc des parties civiles : "Pour nous, ce n'est pas de la douleur ; à côté des familles, je ne me sens pas le droit de me plaindre. L'affection que je vous porte est forte". Les yeux dans les yeux, André leur demande si elles l'acceptent : "nous l'acceptons", souffle la mère de Fabienne Leroy, la deuxième victime. "Si un jour ils ont besoin de quelque chose, un avis, un conseil, je m'efforcerai toujours de le leur apporter". Et les parties civiles le remercient, lui, le frère de l'assassin. Bien sûr, André a changé son nom à 74 ans, "pour mes correspondants, mes interlocuteurs, c'était une marque de politesse".
Le dernier des Fourniret
Bien sûr aujourd'hui, plus personne ne veut s'appeler Fourniret, ses ex-femmes vivent sous leur nom de jeune fille, trois de ses enfants ont pris le nom de leur mère. "Qui porte encore votre nom aujourd'hui ?", lui demande le président. L'accusé est donc le dernier des Fourniret. Le seul aussi qui refuse de parler de lui et des siens mais qui, tout comme Monique Olivier demeure à jamais une maman pour son grand fils, reste un frère pour son aîné, le Michel un peu bourru mais sympa, le pseudo-intellectuel qui veut épater la galerie, le bluffeur qui peut redevenir "gentil quand on manifeste une force supérieure à la sienne".
André oscille donc entre deux extrêmes : il n'a pas envie de défendre un assassin d'enfants mais ne veut pas non plus attaquer trop fort le même sang que le sien. Ce même André pense avoir compris que si son frère se mure dans le silence, c'est pour mieux se protéger de l'insupportable qu'il reconnaît avoir commis ; il demande à la cour de ne plus l'importuner, de ne pas le forcer à parler : "Vous en savez assez". Et ce grand frère ne coupe pas les ponts, ne ferme pas la porte à une éventuelle rencontre. Il montre surtout que chez lui, un Fourniret pourtant, même s'il ne porte plus ce nom, il peut aussi y avoir du bon.
Libellés : L'Affaire Fourniret, pédophilie
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