La Profession de Criminologue

Le crime n’a peut-être jamais été autant banalisé qu’aujourd’hui. Depuis l’avènement des médias dans nos sociétés modernes, le crime fait la une. Toutes les formes de violence passionnent, captivent, envoutent. Tout est montrable et supportable aux yeux des spectateurs qui en redemandent sans cesse. Le passage à l’acte fascine parce qu’il s’intéresse aux profondeurs mystérieuses et morbides de l’âme humaine. La sauvagerie a toujours déchainé les foules, comme en atteste l’attrait pour les divers procès sensationnel qui ont fait la unes ces dernières années. La violence fait également beaucoup vendre ; en témoigne toute la littérature et toutes les productions cinématographiques qui lui sont consacrées.

Toutefois, le crime effraie lorsqu’il prend le pas sur la fiction et s’insère alors dans la réalité.
Pour essayer de le comprendre et de le prévenir, on a alors commencé à étudier le crime, et plus généralement, le phénomène criminel. Aujourd’hui plus qu’à n’importe quelle époque de notre histoire, la criminalité est étudiée, disséquée sous toutes ses formes. Dans nos sociétés démocratiques modernes, le rôle de la justice est de punir des actes considérés comme délictueux ou criminels, mais aussi de soigner, rééduquer et resocialiser ses auteurs. Il s’en suit un réel besoin de personne totalement compétente pour parvenir à cette finalité. Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’un criminologue? De manière très générale, on peut dire que le criminologue est un spécialiste en criminologie.

Pour comprendre ce en quoi consiste la criminologie, il est nécessaire de commencer par dire ce qu’elle n’est pas. Nombreux sont ceux qui y voient une préparation aux techniques d’investigation policière utilisées lors de la recherche d’un coupable. Il faut donc préciser que la criminalistique, science d’application de toutes les techniques d’investigations policières, ne retient pas l’attention des programmes universitaires en criminologie, de même que les sciences forensiques qui comprennent l’ensemble des principes scientifiques et des méthodes techniques appliquées à l’investigation criminelle, pour prouver l’existence d’un crime et aider la justice à déterminer l’identité de l’auteur et son mode opératoire.

Le mot « criminologie » vient du mot latin crimen, crime et du mot grec logos qui signifie à la fois discours, logique, langage, raison, mais surtout étude. La criminologie, « c’est la science qui s’intéresse au comportement criminel en général et qui essaie de comprendre les motivations à la base de l’acte du délinquant, qui ne respecte pas les normes morales de la société ».

Elle tente d’expliquer les " déviances " de l’individu dans le but de les prévenir et/ou de les réduire. En d’autres termes, c’est la science qui essaie de comprendre le comportement antisocial de l’homme et d’y préconiser des remèdes. La réflexion criminologique, en définitive, cherche des mesures aptes à prévenir le crime ou le délit, et des méthodes efficaces de resocialisation des délinquants. Alors on peut dire que la criminologie est avant tout une approche descriptive contrairement aux sciences juridiques car elle essaye d'expliquer les comportements criminels dans la société et leurs impacts.

Aussi, l’engouement pour l’étude du crime et la criminologie ont conduis à l’apparition dans certains pays, d’une profession de criminologue. Comme nous le savons, le criminologue est un professionnel en Amérique du Nord, ce qui est plutôt rare en Europe où la criminologie n'est souvent qu'un simple ajout de connaissances au droit pénal et au juriste qui le pratique. C'est le cas de la France, du moins dans les Facultés de droit où s'insère quelquefois la criminologie. Si on veut parler de profession criminologue, il faut entendre par là la situation de celui qui a une formation poussée principale, pour ne pas dire exclusive en criminologie et qui fait de l’utilisation de cette compétence l’objet exclusif de son activité professionnelle soit a titre de travailleur indépendant exerçant une profession libérale soit a titre de salarié d’une entreprise ou d’une collectivité publique.

Dans ce contexte, existe-t-il réellement, une profession de criminologue a part entière?
Si tel est le cas, en quoi consiste-t-elle?

L’intérêt est de différencier les pays ou la profession de criminologue existe, et est reconnue comme une profession a part entière - de ceux ou la profession n’existe pas, ou pour le moins, n’est qu’une fonction auxiliaire à l’activité principale. Puis il s’agira de comprendre en quoi consiste la profession de criminologue.

Depuis quelques décennie, de nombreuses enquêtes et réunions scientifiques ont eu lieu afin d’essayer de « dresser le profil du professionnel en criminologie, réfléchir au contenu de ses missions et a la manière de les exercer ». Dans certains rares pays, comme la Belgique ou le Canada le criminologue est reconnu en tant que professionnel. Dans d’autres, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, la profession est « latente ». Il reste une très grande majorité de pays (comme la France), ou la profession de criminologue n’existe pas en tant que telle. Pourtant les « modèles aboutis déjà mis en place dans les deux paradis criminologiques sont fiables, opérationnels et transposables ». Ainsi, admiratifs des exemples existants, les « criminologues » non reconnu de ces pays ont un besoin de reconnaissance professionnelle de la part des autorités politiques.

En France, la profession de criminologue n’existe pas. Bien sur, certaines profession telle que la psychologie, la sociologie ou encore l’anthropologie peuvent être amenées à étudier le phénomène criminel, mais il n’existe pas de profession qui fait de l’utilisation de la criminologie, l’objet exclusif de son activité professionnelle. Cette inexistence est regrettable, dans la mesure où l’activité de criminologue, est déjà une activité annexe .Même s’il n’existe pas en France, de réelle profession de criminologue, il n’en demeure pas moins que la criminologie reste une matière très présente dans de nombreux domaines, et utilisée par les professionnels. C’est ainsi que, par exemple, la psychologie criminologique a comme objet d'étude les faits criminels.

Par ailleurs, souvent "sous l'étiquette" de psychologie ou de sociologie, on retrouve en France, au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.), des chercheurs spécialisés en psychologie et en sociologie de la criminalité, du crime, du criminel, de la victime, ainsi que du système de justice pénale (police, tribunal, prison...). Ils ne portent pas le nom de criminologue mais exerce la criminologie de fait.

La profession de criminologue n’est donc pas totalement absente en France, puisqu’elle est un domaine annexe dans d’autres professions. C’est à ca que tient la spécificité du criminologue : sa discipline met automatiquement en scène plusieurs autres sciences humaines.
La criminologie analyse ainsi la déviance par le biais du juridique, du sociologique, des sciences biomédicales. A cela s'ajoute l'analyse des pratiques sociales, législatives, préventives, de la politique pénitentiaire et des traitements.
La profession de criminologue apparait donc importante, tant les atteintes à la dignité humaine explosent dans notre monde ou la désaffiliation sociale devient forte.
Il est donc souhaitable, de reconnaitre la profession de criminologue, mais aussi, de mettre en place une réelle formation, aussi bien théorique que pratique, de criminologue. En effet, les praticiens, travailleurs sociaux, éducateurs, policiers, magistrats, avocats, psychiatres et psychologues, confrontés aux problèmes de délinquance, de marginalité, de déviance, expriment le besoin croissant d’une formation universitaire approfondie et spécialisée.

La formation des criminologues doit les préparer, a titre principal, a des interventions de généralistes ou de spécialistes (exercices de l’art a titre principal, d’une manière plus finalisée au sein d’institutions ou dans le cadre d’activité spécifique de prévention et/ou de prise de charge strictement orienté vers la socialisation ou la resocialisation).

Reste le problème du rattachement de la formation en criminologie aux institutions de formation existantes et la question de la délivrance d’un diplôme : selon R.Cario, la formation des criminologues doit être autonome et les diplômes professionnels doivent être délivrés par un institut ou une école universitaire. « L’obtention d’un label professionnel authentique et reconnu dans toutes les conventions collectives de travail est le seul garant des droits des criminologues comme de leurs devoirs (sur le plan éthique et déontologique principalement) lors de la mise en œuvre de leurs interventions psychosociales ».

Contrairement à la France, il existe dans certains pays, une profession de criminologue a part entière. Prenons l’exemple de Canada et de la Belgique. Dans ces pays, le criminologue est un professionnel aux multiples facettes qui intervient dans de nombreux domaines. Les secteurs dans lesquels travaillent les criminologues sont étonnamment diversifiés et nombreux : prisons et pénitenciers, libération conditionnelle et probation, centres d'accueil de réadaptation et centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, foyers de groupe pour les jeunes toxicomanes et maisons de transition pour les ex-détenus, centres d'aide aux victimes d'actes criminels, ministères, services de police, municipalités... Les criminologues sont « partout» et ils interviennent de manière générale ou spécialisée. Nous pouvons donc dire que la profession de criminologue existe. Cela tient d’abord à une formation théorique exclusive en criminologie et une formation pratique dans le domaine de l’intervention clinique ou de l’analyse criminologique grâce à des stages obligatoires en milieu professionnel.

Ensuite, la profession est principalement orientée vers la pratique, en contact direct avec le délinquant, le criminel et la victime : on constate que 80 pour cent des criminologues québécois, par exemple, travaillent dans le secteur "clinique" (évaluation et traitement).

Il convient tout d’abord de préciser que le respect des droits de l'homme constitue le pilier fondamental de la profession de criminologue.

En effet, la préoccupation de celui-ci est d’assurer la promotion de l’être humain en souffrance en l’aidant à retrouver sa dignité et en favorisant sa resocialisation par une prise en charge restaurative.
Le criminologue s’efforce de prévenir, réprimer et traiter le crime car c’est une atteinte au groupe social. Ainsi, le criminologue étudie les situations problématiques qui se règlent par la loi pénale et qui relèvent du champ d'étude de la criminologie : le contrôle social, la fonction d'administration de la justice pénale, la politique criminelle, les comportements de transgression des lois pénales …
Comme le souligne J.Proulx, dans son ouvrage « profession criminologue », le travail de criminologue doit permettre de protéger la société contre les prédateurs et destructeurs des criminels. Protéger la société peut signifier offrir un soutien à des enquêteurs afin de les aider à arrêter plus rapidement un criminel violent. Protéger peut aussi signifier effectuer une évaluation juste du risque de récidive d'un criminel violent emprisonné. Si ce risque est élevé, il s'avérera nécessaire de lui proposer une participation dans un programme de traitement qui devrait lui permettre de réduire ce risque. Finalement, protéger la société implique d'effectuer un suivi rigoureux des criminels en maison de transition et en libération conditionnelle.
Le criminologue qui agit comme conseiller en prévention a un double rôle: information et consultation. Dans sa mission d'information, il diffuse des connaissances sur les risques de victimisation, sur les habitudes à prendre pour se protéger contre le crime et sur les systèmes de sécurité.
Dans son rôle de consultant, le criminologue analyse les situations à risque et il propose diverses mesures pouvant faire baisser la probabilité de victimisation.

C'est ainsi qu'il visite les domiciles, les commerces ou tout autre établissement exposé au crime pour connaitre les points faibles des systèmes de protection contre le vol et pour proposer des solutions préventives très diverses: surveillance, obstacles matériels, aménagement des lieux, etc.

Dans les milieux de détention, les criminologues ont la responsabilité d'évaluer les délinquants au début de leur séjour. Ils font un bilan de leur histoire sociale et familiale, ils analysent leurs conduites criminelles (les motifs, les circonstances, la gravité des délits et la nature des récidives). L'évaluation permettra d'orienter les détenus vers des programmes appropriés à leurs besoins sans pour autant menacer la sécurité du public.
Le travail du criminologue en milieu carcéral comporte aussi le support aux détenus pour les aider à purger leur sentence dans la perspective d'un retour éventuel dans la société. Les criminologues auront également à évaluer la capacité d'un détenu à bien fonctionner lors d'une libération éventuelle. Il doit respecter les droits des criminels et, dans la mesure du possible, les aider à se réhabiliter
Les criminologues agissent aussi auprès de ceux qui bénéficient des programmes de mise en liberté sous condition après avoir purgé leur sentence. Ils sont également présents dans les maisons de transition qui accueillent les ex-détenus dans le cadre d'absences temporaires, de programmes de semi-liberté ou de la libération conditionnelle totale. Leur rôle est d'assister et de surveiller l'ex-détenu dans ses efforts de réinsertion sociale. Les criminologues doivent aussi veiller à ce que les personnes sous leur surveillance se conforment aux lois et qu'elles s'acquittent de leurs engagements. Le criminologue exerce ainsi sa profession dans une position difficile. S'il estime qu’un criminel est réinserable, et que celui-ci récidive malgré une estimation positive de son potentiel de réinsertion sociale, la valeur de son travail d'évaluation peut être remise en question. En plus, lorsqu'il entame un processus de traitement avec un criminel, il exerce ce rôle en position d'autorité: après le traitement, il peut estimer que son client est encore dangereux et qu'un retour rapide en société n'est pas souhaitable. Pour le délinquant, le criminologue est donc celui qui l'aide, mais aussi celui qui le prive de liberté. Ce double rôle du criminologue est particulièrement difficile à gérer et transcende le cadre usuel de la relation d'aide. Lorsque la personne en liberté surveillée risque de récidiver, ne respecte pas ses engagements, ou commet de nouveaux délits, le criminologue doit agir dans l'intérêt de la société. Il peut alors être appelé à recommander des mesures, pouvant aller jusqu'à la réincarcération.
Le criminologue a également une importance en matière d’assistance auprès victimes d'actes criminels. Celle-ci a connu un essor certain au cours des dix dernières années. Diverses ressources ont été mises en place afin de venir en aide aux victimes et à leurs proches: centres d'aide, maisons d'hébergement pour les femmes et enfants victimes de violence familiale, services d'indemnisation.
Des criminologues œuvrent au sein de ces organismes. Ils informent, accompagnent et aident des victimes de crimes très divers: abus sexuel des enfants et des adultes, négligence des personnes âgées, violence intrafamiliale, homicide d'un proche...

La profession de criminologue consiste en la compréhension et non la répression des criminels. Il faut se montrer humain devant des personnes qui ont commis des actes inhumains. Les criminologues doivent s’imposer le devoir d’échapper aux préjugés, à la haine et aux représailles.

0 commentaires: