Le 11 décembre 2007, Véronique Pocrain, 42 ans, a tenté d’égorger son garçonnet au couteau de cuisine avant de l’étrangler. Le procès de la jeune femme, dépressive, a débuté hier devant la cour d’assises de l’Essonne.

Il n’y a jamais eu d’amour entre ces deux-là et ça se voit. Pierre Bintha fixe Véronique Pocrain, son ancienne compagne, assise dans le box vitré de la cour d’assises d’Evry. Il la regarde par en dessous comme on juge, la moue lippeuse de dédain et les bras croisés de défi. Elle, le visage fatigué et les cernes rougis de larmes soignés à coups d’anxiolytiques, lui rend l’appareil, de la haine plein les yeux. « Lui, là, il m’a fait beaucoup de mal, je souffre moi monsieur, crie-t-elle au président. Ouais, Pierre Bintha, tu peux me regarder, tu peux ! » Agée de 42 ans, mal à l’aise dans son corps épais, Véronique Pocrain est jugée pour le « meurtre » de son fils Irvin, le 11 décembre 2007 à Evry.

Ce matin-là, cette mère sans histoire et qui « adorait son bout de chou » selon ses proches, a étranglé son garçon de 4 ans alors que la police tambourinait à la porte de son appartement du quartier des Tourelles. Auparavant, elle avait tenté de l’égorger avec un couteau de cuisine. Dépressive, l’accusée était en conflit avec le père de l’enfant depuis plusieurs mois et craignait d’en perdre la garde. Suicidaire, elle avait essayé ce même 11 décembre de se donner la mort, en se tailladant les veines et le cou. Sur la table du salon, traînaient encore des lettres griffonnées au crayon de couleur dans lesquelles elle annonçait son plan funeste.

« Irvin, son pipi c’était mon stress »

Debout dans sa parka noire et sa chemise à carreaux de bûcheron, Véronique Pocrain est une enfant. Elle dit « papa » et « maman » quand elle parle de ses parents, tous deux décédés. Gênée, elle raconte les disputes familiales permanentes, une petite sœur polyhandicapée qui « ne (la) reconnaissait pas », et une mère qui ne l’aimait pas. « Elle disait que j’étais comme mon père, que j’étais minable. J’ai fait pipi au lit jusqu’à 18 ans, moi, ça a commencé après le divorce de mes parents quand j’avais 12 ans. Mon papa me manquait même s’il avait tapé maman », explique-t-elle à la cour.

De ce climat, le président tire vite un parallèle avec son propre couple. Entre Pierre Bintha et elle, les rapports aussi étaient violents. « Il m’insultait, il me frappait, ça a duré quatre ans et j’ai porté plainte une fois. Si on m’avait écouté, on n’en serait pas là », se lamente la jeune femme. Comme elle, Irvin n’était pas un « enfant désiré ». « C’était une relation sans lendemain après un repas arrosé. Je ne l’aimais pas, je lui ai proposé d’avorter mais elle a refusé », racontera aux enquêteurs Pierre Bintha, qui ne reconnaîtra son fils que plusieurs mois après sa naissance. Un fils lui aussi frappé d’« énurésie primaire », le terme scientifique du pipi au lit. « Irvin, son pipi c’était le mien, c’était mon stress ! », avoue Véronique Pocrain.

Peu à peu, cette histoire de drap souillé va devenir une « obsession » pour cette mère. « Elle était soûlante avec ça, elle était dans sa bulle, elle ne parlait que du pipi de son fils et de ses problèmes avec son père », racontent ses anciens collègues de travail dans une société de gestion de l’Essonne. Tous décrivent, à partir du mois de septembre 2007, la « descente aux enfers » de l’accusée « de plus en plus sale sur elle », se souvient une amie. C’est à cette époque que Véronique Pocrain, au pic de sa dépression, multiplie les menaces de suicide comme les visites chez les médecins. Pierre Bintha, inquiet pour son fils, tente d’alerter la police et les services sociaux. Tous constatent l’absentéisme scolaire de l’enfant et le « comportement inquiétant » de sa mère. Le 7 décembre 2007, un rapport est transmis en urgence à l’Aide sociale de l’Enfance de l’Essonne en vue d’une mise en place d’une « mesure d’aide judiciaire ».

L’alarme est sonnée mais trop tard. Le 11 décembre, alertés par l’école maternelle d’Irvin, les policiers débarquent à 9 heures chez Véronique Pocrain. Derrière la porte, ils entendent la voix plaintive de l’enfant. « Maman, arrête, tu me fais mal ! », implore Irvin. Penchée sur lui, Véronique Pocrain serre ses mains sur sa gorge en lui disant « bouchon, bouchon, je t’aime ». Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Verdict attendu demain.

Un article de Bastien Bonnefous, publié sur France Soir.fr, le 04/11/09



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