A l’exception de Michel Acariès, prévenu libre en fauteuil roulant qui a avoué, les gangsters réunis à la cour d’assises de Paris autour d’Antonio Ferrara nient avoir braqué un fourgon blindé en novembre 2001 à Toulouse. Et, dès le premier jour d’audience, le dossier a révélé ses faiblesses.

Que les choses soient claires : les hommes qui comparaissent détenus dans l’affaire du hold-up de Toulouse ne sont pas des enfants de chœur. Pour autant, se trouvaient-ils, à 16 h 20 le 23 novembre 2001, chemin du Sang-de-Serp, face à l’usine Airbus Saint-Eloi, à 800 mètres du commissariat toulousain, lorsqu’une fusillade a opposé quatre convoyeurs de fonds aux huit malfaiteurs qui les attaquaient ? L’ordonnance de mise en accusation du juge Fabrice Rives répond oui, sans hésitation.

Cependant, la lecture du document de 56 pages n’apporte aucune certitude. Seul Michel Acariès a admis sa présence sur la scène de crime, au volant d’une Audi de repli ; gravement blessé, son ADN a « parlé ».

Mais les autres ? Antonio Ferrara, Dominique Battini, Alexandre Vittini, Robert Bérengier, Jean-Philippe Boehm et deux complices présumés, arrivés libres, se disent étrangers à l’affaire. Ni identification, ni ADN ni empreintes, juste un faisceau de présomptions.

Ils ont été « accrochés » au dossier sur la seule base des études de la téléphonie : les portables qui ont actionné les bornes en Haute-Garonne, sur le trajet des transporteurs de fonds de la société Valiance, seraient les leurs, même si aucun des abonnements n’est à leur nom. Et puis, après tout, ils ont le profil… Que demander de plus ?

« Si vous jouez à la maîtresse, on va mal démarrer ! »

D’où la bataille qui s’annonce, jusqu’au 11 décembre, pour convaincre le jury – quatre hommes et cinq femmes – que le gang ici présent a un passif mais qu’on ne peut pas, pour autant, lui coller l’intégrale des attaques de fourgons. L’accusation voit en eux le gotha du grand banditisme français, d’autant que, par chance, il y a des banlieusards d’Ile-de-France, des Marseillais et des Corses. Ils apparaissent à 9 h 45, ce vendredi, plutôt sereins, Antonio Ferrara forcément en tête.
« Nino », comme on le surnomme, a le regard rieur des prisonniers archi-isolés que l’échéance judiciaire sort du gouffre. Il a pris du poids, grâce au sport, et quelques couleurs depuis qu’il a le droit de capter la lumière du jour. Son régime pénitentiaire s’est assoupli.
Chemise blanche sous pull violet, sourire rayonnant, il salue ses amis dans le public. Les vérifications de son état civil lui offrent une première occasion de faire rire : « Je m’appelle Antonio Ferrara, je suis célibataire, sans enfant. Profession : innocent ! » Face à lui, Laurence Turbe-Bion, présidente d’assises sans expérience – elle était à la chambre de l’instruction au printemps – mais pas sans finesse. Courtoise, elle paraît sans a priori.

Bien sûr, elle doit ramener le calme quand Ferrara et son camarade Battini chuchotent comme des écoliers. Réflexion aigre-douce, riposte tout à trac : « Madame, si vous jouez le rôle de la maîtresse, on va mal démarrer ! » Elle sourit. A ses côtés, deux « pointures » de la magistrature : Jean-Baptiste Parlos, qui présida notamment les procès de l’Angolagate et de l’Erika, et le juge Renaud Van Ruymbeke, que l’on ne présente plus.

Le procès peut commencer. Il s’engage mal, à cause d’Eric Dupond-Moretti, l’excellent pénaliste lillois qui ne s’en laisse jamais conter. Le voici qui, déjà, s’attaque au socle du dossier, la téléphonie. Un exemple des absurdités répertoriées : la police attribue à son client, Alexandre Vittini, deux portables repérés, l’un à 13 h 50 à Saint-Etienne, l’autre à 13 h 52 à Marseille.

Et son alibi – des paiements par carte bancaire dans un magasin corse le jour des faits – n’a tout simplement pas été vérifié. Le juge Rives a estimé que ça ne servait à rien…

Les débats reprennent lundi avec l’audition des quatre convoyeurs victimes.

Un article d'Isabelle Horlans, publié sur France Soir.fr, le 07/11/09

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