Selon l'article d'André McKibben "La Classification des Agresseurs Sexuels"

INTRODUCTION


Dans son article sur la classification des agresseurs sexuels McKibben nous fait prendre conscience des difficultés de répondre réellement aux besoins des agresseurs sexuels, entre autre à cause de la pluralité des intervenants multidisciplinaires : la prise en charge et le traitement apparaissent discontinus et incohérents (problème de subjectivité, de formation, ou de préoccupation de l’intervenant).


Face à ce constat, il s’interroge sur l’importance et la pertinence d’établir et d’utiliser des modèles de classification structurés méthodologiquement, afin que les intervenants soient plus a même d’aider cette population particulière, vers une réhabilitation efficiente.


A cette fin, l’auteur recense différents modèles de classification afin de faire état des conclusions des recherches en la matière.


Selon l’auteur…


… les modèles de classifications basés sur des critères observables sont incontournables afin de pallier aux difficultés dans la prise en charge et le traitement des délinquants sexuels. En effet, ils permettent de maîtriser davantage l’étiologie et la dynamique de ces délinquants, et ainsi, l’efficacité de l’intervention. Cependant, il préconise de ne pas perdre de vue que les modèles de classifications ne sont jamais définitifs, tant ils sont basés sur des connaissances en constantes évolutions. Enfin, sans nier les nombreuses contributions qu’apportent ces classifications, l’auteur remarque que l’élaboration de telles typologies engendre très souvent des problèmes méthodologiques. Par exemple, l’auteur relève une fréquente absence de critères diagnostiques opérationnels (problème de subjectivité) ; une absence de vérification de la fiabilité interjuges – qui ne permet pas d’assurer la concordance entre les jugements ; des problèmes d’étanchéité des sous titres (qui ne permettent pas le recoupement entre les catégories), ainsi que des problèmes d’exhaustivité.


Ainsi, McKibben analyse les différents modèles de classification des agresseurs sexuels, qu’il distingue selon l’âge des victimes : typologie de violeurs et typologies de pédophiles.


Modèles de classification des violeurs


Remarquant les similarités de certains sous types de catégories, notamment quant à la motivation et l’affect, McKibben établit une synthèse des typologies de violeurs à partir de 4 thèmes récurrents (la recherche de pouvoir, la rage, le sadisme et le comportement antisocial). Il fait également état des catégories qui ne font donc pas consensus parmi les chercheurs, en raison de leur manque de représentativité parmi l’ensemble des délinquants sexuels, ce qui empêche une caractérisation efficace.


Afin d’expliciter les différentes caractéristiques des 4 grands types de violeur, l’auteur prend tout d’abord appui sur la classification de Groth, car elle apparaît comme la plus familière aux intervenants. Il ressort que le violeur animé par la recherche du pouvoir affirme sa supériorité et sa virilité, par la soumission de sa victime dont il attend une admiration, voire une quasi-gratitude. Le violeur animé par la rage commet son crime dans le but de dégrader et d’humilier la victime. Le violeur sadique, quant à lui, érotise l’agression et trouve sa gratification sexuelle dans les mauvais traitements infligés à la victime. McKibben constate que le violeur antisocial est totalement absent de la typologie de Groth. Il est pourtant décrit par tous les autres auteurs (Guttmacher, Cohen, Rada…), comme un individu dont le crime est davantage le résultat d’une problématique anti sociale que sexuelle.


L’auteur remarque ainsi certaines similitudes, entre les types de violeurs décrits dans la typologie de Groth, et celle d’autres auteurs, comme Guttmacher, Cohen…. Par exemple, le violeur animé par la rage de Groth, s’apparente, au violeur « assaultive » de Gebhard ou au « displaced agression typerapist » de Cohen.


Même si leur pertinence reste d’actualité, ces modèles de classifications ont évolué ces dernières années, principalement grâce au travail du Massachussetts Treatment Center for Sexual Offenders. Leur nouvelle classification, plus structurée sur le plan méthodologique grâce à des critères bien définis, apparaît comme plus fiable car elle permet également de pallier à divers problèmes vus précédemment. Ainsi, la typologie de Knight et Prentky (1990) est basée sur une classification des violeurs en fonction de leur motivation primaire et de l’affect prédominant au moment du délit (opportunisme, rage indifférenciée, motivation sexuelle et motivation vindicative). Les sous types sont ainsi basés sur des critères bien définis et modulés en fonction de l’incidence des facteurs « secondaires » (comme les problèmes de consommation, les troubles mentaux…).


McKibben va également s’intéresser à une autre catégorie d’agresseur sexuel : le pédophile.


Modèles de classification des pédophiles


Contrairement aux classifications de violeurs, n’y a pas de consensus entre les auteurs, quant aux critères utilisés pour établir celle des pédophiles : caractéristiques de l’agresseur pour les uns (âge, personnalité, état mental…) ; caractéristiques de la victime et niveau de violence pour les autres.


McKibben débute également son analyse par le modèle de Groth, qui établit sa classification des pédophiles en fonction du niveau de violence utilisée par l’agresseur. Ainsi, il différencie l’attentat à la pudeur du viol. Tandis que le premier suppose la séduction ou la persuasion, et la manipulation d’un enfant investi positivement, dont l’agresseur recherche une réciprocité de la relation ; le second suppose l’utilisation par l’agresseur, de la menace ou la force physique, a des fins de domination ou de soumission d’un enfant investit négativement, ou par hostilité). L’attentat à la pudeur est lui-même divisé selon les concepts de fixation (persistance des contacts) et de régression (tardiveté de l’attrait pour les contacts avec des enfants et présence de désinhibiteurs et d’élément(s) déclencheur(s)). Le viol, lui, est divisé selon 3 dynamiques : colère (vengeance par l’humiliation), puissance (pouvoir et supériorité par le contrôle) et sadisme (satisfaction sexuelle par érotisation de l’agression).


Cette théorie demeure pertinente malgré une absence de critère véritablement précis. Une théorie plus moderne a cependant tenté de pallier à cette difficulté : le modèle de classification des pédophiles de Knight, Carter et Prentky. L’apport principal de ce modèle par rapport aux autres est qu’il éradique les problèmes liés à l’interprétation des critères classificateurs. En effet, ce modèle a été établi sur la base d’un échantillon très précis d’individus, dont les délinquants et les victimes, ainsi que le délit en lui-même était nettement caractérisé (en l’espèce, uniquement les agressions sexuelles avec contact physiques et non incestueuses, commises par des majeurs de 14 ans, sur des victimes mineurs de 16 ans avec lesquelles ils avaient au moins 5 ans d’écart).
Ce modèle est basé sur 2 axes : le degré de fixation et la quantité de contact. Le degré de fixation est la force et la persistance de l’intérêt sexuel pour l’enfant. Elle se détermine entre autre selon le nombre de contacts sexuels avec des enfants sur 6 mois minimum, ou sur la continuité des relations avec des enfants (contacts sexuels et non sexuels). Le degré de fixation dépend également du niveau de compétence sociale (stabilité professionnelle, intime, amicale ; dans l’engagement parental ou engagement social) ; L’axe II, « quantité de contact », aborde la question de la fréquence des contacts sexuels avec des enfants.


Cela permet de différencier les pédophiles pour qui le contact sexuel apparaît a la suite d’un surinvestissement de l’enfant, ou qui ont eu au moins 3 contacts sexuels avec le même enfant (grande fréquence de contact) de ceux pour qui le contact avec des mineurs n’est pas sur une habitude de vie, et n’apparait que ponctuellement (faible fréquence de contact).


Il s’en suit une recherche de la motivation (interpersonnelle vs narcissique), chez les sujets ayant une grande fréquence de contact, tandis que c’est le niveau de violence (déterminé par la présence de blessures) qui sera analysé chez les sujets ayant une fréquence faible quantité de contact. Finalement, la violence réduite ou élevée est analysée sous le prisme du sadisme.


L’auteur conclut en affirmant que les nouveaux modèles basés sur une base statistique et non empirique, ainsi que sur une approche multifactorielle, confèrent une plus grande validité aux types proposés. D’autre part, l’exposition médiatique ainsi que les révélations des auteurs d’agressions sexuelles, offrent une plus grande finesse des modèles. Ceux-ci permettent alors une avancée majeure dans l éducation du personnel, et le traitement des agresseurs.

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